Tribunal correctionnel ou Cour d’Assises ?

Nous avons reçu une jeune femme ce matin, auprès de qui nous intervenons depuis six mois. Victime d’un viol avec violences commis par son employeur, un restaurateur, elle a déposé une plainte qui a très rapidement débouché sur la garde à vue, puis la détention provisoire de l’auteur du viol. L’instruction est déjà (6 mois, c’est notoirement court pour ce type de procédure) close.
Le juge d’instruction, qui dispose d’éléments suffisants pour rendre une ordonnance de renvoi, demande à la victime de choisir entre le tribunal correctionnel et la Cour d’Assises.

Cette possibilité de choix pose question en elle-même, car les viols, qui rentrent dans la catégorie juridique des crimes, doivent être jugés par la Cour d’Assises.
Seuls les délits (pour ce qui nous concerne, harcèlement sexuel ou agressions sexuelles) relèvent du Tribunal correctionnel.
En outre, laisser le choix aux victimes fait peser sur elles une responsabilité qui ne devrait pas leur incomber : c’est une décision d’ordre public.

Renvoyer l’auteur d’un viol devant un tribunal correctionnel revient à le déqualifier : les violences seront jugées comme s’il s’agissait d’une agression sexuelle sans pénétration. Ca s’appelle la « correctionnalisation » des viols.
Cette pratique, illégale puisque contrevenant aux règles (non respect des règles d’incrimination et de procédure sur la compétence), a pourtant été consacrée par la loi du 9 mars 2004 dite « Perben II » (art. 469 du Code de procédure pénale).

Informée de la différence de la peine pour une agression sexuelle (3 ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende) et un viol (10 ans de réclusion criminelle) et de la durée de la procédure (procès d’environ deux heures dans quelques mois pour agression sexuelle ou procès de plusieurs jours dans beaucoup plus longtemps pour viol), la victime hésite.

D’abord parce que « 10 ans c’est quand même beaucoup« .
Ensuite parce qu’elle aimerait passer rapidement à autrechose.
Elle s’inquiète aussi pour son avocat (« plusieurs jours de procès, c’est peut-être long pour lui« ).
Le fait qu’un viol rentre dans la catégorie juridique des « crimes » l’effraie aussi car dans son esprit, un « crime » c’est un meurtre.

Ces craintes écartées, il en reste une :

Choisir la Cour d’Assises, c’est admettre que les violences dont elle a été l’objet sont graves.

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