Vulgaire et obscène, certes, mais harcèlement sexuel ? Oh non quand même pas !

Nous avons récemment reçu un jugement du Conseil de prud’hommes de Meaux, section encadrement, la même section que le jugement rendu contre Disney que nous avons présenté dans la dernière publication du « Fil ». A la différence que s’agissant du jugement « Disney », il a été rendu par une magistrate professionnel-le, puisqu’en bureau de départage(1).

Le jugement est radicalement différent. Il déboute la salariée de sa demande de requalification du licenciement en licenciement nul ainsi que de ses demandes indemnitaires relatives aux harcèlements moral et sexuel (alors qu’il est à nos yeux totalement constitué, notamment au regard du droit communautaire), et ne s’interroge pas sur sa bonne foi.

Les éléments de preuve de violences sexuelles dans ce « dossier » sont pléthores. Un salarié a notamment témoigné avoir vu M.Y « planter un stylo » dans les fesses de Mme X, ce qu’au demeurant M.Y n’a jamais nié, se contentant de minimiser la portée de cette agression.

Les « attendus » du jugement sont édifiants :

« ATTENDU que même si les propos, faits et gestes de M.Y doivent(2) être jugés inadmissibles, grossiers, vulgaires, voire obscènes(3), ils ne peuvent être constitutifs d’un harcèlement moral ou sexuel ».

Comment ces conseillers prud’hommes -quatre hommes-définissent-ils alors le harcèlement sexuel ?!
Le droit européen le définit comme « la situation dans la quelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et en particulier de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant« .

La grossièreté, la vulgarité, l’obscénité sont justement de nature à créer un tel environnement.

Mais en dépit de notre demande expresse, les conseillers prud’hommes ont écarté la définition communautaire du harcèlement sexuel, qui prévaut pourtant sur la définition française, et ont aussi recherché, pour qualifier le harcèlement sexuel, l’intentionnalité de l’auteur « d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », ce qui n’est pas une exigence de la définition précitée :

« ATTENDU qu’il n’est pas prouvé que Monsieur Y ait eu l’intention d’obtenir des faveurs de nature sexuelle »

Nous avons fait appel.

Notes

1. En première instance prud’homale, les jugements sont rendus par des juges non professionnels, les « conseillers prud’hommes », qui sont au nombre de quatre, deux personnes pour le collège « employeur » et deux personnes pour le collège « salarié ». Si aucune majorité ne se dégage (3 contre 1), voire unanimité, l’audience est renvoyée en « départage ». Elle est alors présidée par un-e magistrat-e professionnel-le.

2. C’est nous qui soulignons

3. C’est nous qui soulignons

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