Retranscription d’une conversation avec certains participants (médecin, psychothérapeutes, formatrices, personnes retraitées) lors d’une formation sur la Communication Non Violente :
Le médecin-psychothérapeute assis à côté de moi m’interroge sur mon travail. Lorsque je lui explique que l’association accompagne des personnes victimes de violences sexistes et/ou sexuelles au travail, il me demande : « Vous travaillez avec des psychologues ? ».
« Oui, nous avons un petit réseau de psychologues et psychiatres ainsi que le centre de psychotrauma vers qui nous renvoyons les victimes. »
« Je serais très intéressé pour travailler avec vous. »
Un peu plus tard dans la discussion, nous abordons la question du choix des individus. Ce médecin soutient alors que nous avons toujours le choix.
Je lui demande : « Mais quand nous n’avons pas le choix ?».
« On a toujours le choix. »
Afin d’illustrer notre débat, je lui expose la situation d’une femme auprès de qui nous intervenons depuis plus d’un an et qui a été contrainte, afin d’obtenir et de conserver un emploi, à des relations sexuelles. Réfugiée politique en France (son pays était en guerre), ses diplômes et compétences n’étaient pas reconnus. Elle avait donc été obligée d’accepter des emplois précaires, sous qualifiés afin de parvenir à assumer seule la charge financière de trois de ses cinq enfants encore à charge (son mari était retourné dans leur pays sans rien lui laisser). Elle avait alors plus de 50 ans et ne gagnait que 900 euros par mois.
Après cet exposé de la situation de cette femme, le médecin-psychothérapeute soutient encore qu’elle avait le choix.
« Le choix entre quoi ? Pouvoir nourrir ces enfants et… quoi d’autre ? »
« Oui. Je ne dis pas que faire un choix, c’est choisir entre un bon choix et un mauvais choix. Parfois, c’est entre un mauvais choix et un plus mauvais choix. Elle a fait le choix de vouloir nourrir ses enfants avec les conséquences que cela impliquait. »
« Le choix d’être violée par son employeur ?! Alors, pour vous, la contrainte économique n’existe pas ?»
« C’est un choix ».
Une participante intervient alors : « Je pense que c’est facile de réfléchir comme ça quand, pour la plupart d’entre nous ici, nous n’avons pas de contrainte financière importante(1). Dans certaines situations, il n’y a pas de choix à faire, la situation s’impose d’elle-même ».
Cet échange illustre parfaitement l’immense difficulté qu’ont les victimes à faire comprendre et admettre à des tiers, et en particulier, aux professionnels (de santé, de la justice, notamment) qu’elles rencontrent, les différentes contraintes (psychologique et économique) qui les ont empêchées d’effectuer des choix en toute liberté. Les professionnels ayant un rôle à jouer dans la dénonciation des violences n’ayant eux, rarement ou jamais connu une telle précarité économique.
Pourtant, avoir conscience que pour choisir, il faut être libre, est la base de tout travail auprès de victimes de violences sexuelles, notamment au travail.
Notes
1. Pour info, la formation à laquelle nous participions coûtait près de 100 euros par jour, excluant, par conséquent, une partie de la population.