Le 19 janvier 2010, la Cour d’appel de Paris a condamné le gérant d’une boutique de confiseries à indemniser son ancienne salariée, pour avoir commis des agissements de harcèlement sexuel à son encontre, ainsi que l’AVFT, constituée partie civile. Le parquet s’étant abstenu de faire appel du jugement de première instance, il n’est pourtant condamné à aucune peine.

Le jugement de première instance

Le 24 novembre 2009, l’AVFT, était partie civile aux côtés de Mme FG, victime de harcèlement sexuel et d’une agression sexuelle commis par son employeur, M. de R, propriétaire et gérant d’un magasin de friandises dans le 1er arrondissement de Paris.

Le Tribunal correctionnel avait rendu un jugement de relaxe, qui traduisait sa méconnaissance de la technique de preuve en matière de violences sexuelles car il se fondait sur l’absence de témoignage direct pour relaxer le prévenu. Il charriait en outre des clichés sur les violences sexuelles – « Si les autres salariés n’avaient pas à se plaindre de leur employeur, il n’y a pas de raison qu’une salariée isolée s’en plaigne » – « Les femmes confondent harcèlement sexuel et blagues lourdes ».

Suite à l’appel des seules parties civiles, le pôle 6 de la Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer sur la culpabilité du mis en cause, mais sur les intérêts civils uniquement.

La décision de la Cour d’appel

  • Le 19 janvier 2010, la Cour d’appel a infirmé le jugement du Tribunal correctionnel et condamné M. de R. au visa de l’article 222-33 pour harcèlement sexuel. L’agression sexuelle -une main sur les fesses de la victime- n’a pas été retenue.
  • La Cour d’appel a tiré parti des techniques particulières offertes par la jurisprudence en matière de preuve des violences sexuelles, et donc du harcèlement sexuel.Elle prend en compte les déclarations des salarié-e-s qui ont évoqué une personne « tactile », avec des blagues de « mauvais goût » ou « limites », ainsi que les déclarations de M. de R. qui « se décrit lui-même comme ?tactile’ et auteur de blagues ?pas drôles’ mais ?qui l’amusent’ », alors que ces mêmes déclarations avaient fondé la relaxe prononcée en première instance.Elle relève ensuite l’absence de témoins directs de la relation de travail entre M. de R. et Mme FG, en précisant que le témoin entendu en faveur de M. de R. ne pouvait témoigner « que de façon personnelle de la moralité de ce dernier ou s’expliquer sur la qualité du travail de Mme FG, qui n’est pas ici concernée ».

    Elle conclut « qu’aucun élément de fait de l’enquête diligentée, non plus que de personnalité chez Mme FG n’est de nature à décrédibiliser les mises en causes formulées par celle-ci à l’encontre de M. de R. »

    Sur le fondement de ces différents éléments, elle utilise à bon escient la technique du « faisceau d’indices concordants » :
    « Il y a lieu de juger, à partir d’un faisceau d’indices pertinent au regard de la spécificité de la prévention poursuivie, comme étant par nature, de façon habituelle, dissimulée en dehors de la victime, que se trouvent ainsi suffisamment caractérisés de la part de M. de R. des comportements et agissements répétés, révélant ou manifestant une recherche d’obtention de faveurs de nature sexuelle, et n’ayant pu qu’être ressentis comme tels par celle qui en était l’objet ;
    Que l’intention délictuelle chez M. de R., qui reconnaît pratiquer un humour « un peu lourd » ou « limite » est évidemment certaine
    ».

  • Elle réprouve également la stratégie de défense de M. de R.., qui a tenté d’inverser les responsabilités en évoquant la « fragilité » de Mme FG pour justifier la réaction, selon lui disproportionnée, de cette dernière face à ses agissements :
    « Il apparaît au demeurant que les éléments de fragilité de la personnalité de Mme FG, allégués pour être évidents, et donc à sa connaissance, par M. de R.., auraient dû inciter celui-ci à une réserve particulière à son égard, conformément à son affirmation d’être toujours respectueux de ses employés ».

L’AVFT regrette vivement que cette décision de condamnation en appel soit privée d’effets d’un point de vue pénal, du fait de la carence du parquet, qui après avoir poursuivi le mis en cause et partagé les analyses des parties civiles lors de l’audience du Tribunal correctionnel, n’a pas fait appel.

M. de R. sort donc de cette procédure libre de toute condamnation pénale, alors que la Cour d’appel a jugé l’infraction constituée.

Contact : Gwendoline Fizaine, AVFT, 51 boulevard Auguste Blanqui, 75013 Paris, tél : 01 45 84 24 24, contact@avft.org

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