Indigence syndicale

Mardi dernier, l’AVFT était présente, en tant qu’intervenante volontaire, lors d’un bureau de conciliation dans le cadre de la requête prud’homale qui oppose une salariée, Mme P., à ses ex-employeurs, associés d’un cabinet médical. L’un d’entre eux a commis à son encontre, pendant plusieurs mois, des agissements de harcèlement sexuel puis d’agressions sexuelles.
Son associé, saisi des faits par Mme P, n’a pas rempli son obligation de sécurité à son égard.
Ne sachant comment sortir de cette situation, elle a fini par démissionner. Elle est revenue sur cette démission quelques semaines plus tard en dénonçant les faits par écrit. Elle demande donc au Conseil de Prud’hommes de requalifier cette démission en licenciement nul du fait du harcèlement sexuel.

En aout 2009, au moment de ses premières démarches, Mme P s’est adressée à l’Union Départementale d’une des grandes centrales syndicales.
Un représentant du syndicat lui a alors fait signer une convention de défense syndicale, sans lui en expliquer le fonctionnement, et contre un chèque de 600 ?€.

Lorsque nous avons rencontré Mme P. en décembre 2009, elle nous a indiqué que le syndicat se chargeait de toutes les démarches auprès du Conseil de prud’hommes. Elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis le jour de la signature de la convention.
Sur nos conseils, elle dû appeler deux fois au mois de janvier : une femme lui a alors répondu, de façon un peu agressive « Mais qu’est ce que vous croyez, y’a pas que vous! Vous n’avez qu’à attendre votre tour. ». Elle a alors envoyé une lettre en recommandé pour finalement obtenir des informations sur son dossier.

Elle a ensuite reçu une convocation à l’audience de conciliation, ainsi qu’un document lui expliquant le fonctionnement de cette convention de défense, notamment en ce qui concerne cette audience de conciliation : un défenseur syndical prendrait contact avec elle, le jour de l’audience, au moment de l’appel des causes et la représenterait lors de cette audience.
Quelqu’un qu’elle n’avait jamais vu et dont elle ne connaissait pas le nom.

Un homme nous a demandé, suite à l’appel des causes, et une minute avant d’entrer dans la salle de la conciliation, en découvrant notre intervention volontaire dans son dossier, « De quoi il s’agit en gros, dans cette affaire? C’est du harcèlement? Elle est encore en poste? Elle n’a vraiment pas l’air bien ».
Nous avons dû lui expliquer très rapidement les faits ainsi que les enjeux juridiques et humains du « dossier ».

Mme P. ne sachant pas exactement si elle voulait concilier et sur quelles bases, lors de l’audience, le défenseur syndical, par ailleurs conseiller prud’homal dans une autre juridiction, a répondu aux questions techniques d’usage et s’est limité à répéter les demandes formulées par la meilleure amie de la victime, quelque peu autoritaire, sans se rendre compte que ces demandes n’avaient pas de sens d’un point de vue juridique.
Lors des discussions, le défenseur est resté silencieux, du fait de sa méconnaissance du dossier.

Mme P, très ébranlée par la présence de l’agresseur à l’audience est partie très rapidement.
Nous avons attendu le défenseur syndical, qui représentait trois personnes lors de cet après-midi, pour lui demander des explications sur la suite de la procédure.

Nous lui avons indiqué le caractère très insécurisant de leur manière de procéder pour Mme P. ainsi que son insatisfaction de n’avoir pas pu évoquer le dossier et discuter de la conduite à adopter lors de la conciliation en amont.
Il ne nous a pas contredit : « Oui, oui, c’est sûr, je comprends ». Il a tout de même ajouté: « On fait avec les moyens qu’on a ».

L’action syndicale est essentielle à garantir des droits aux salarié-e-s. Mais le fonctionnement de cette défense syndicale, la méconnaissance criante du dossier ce jour et cette résignation affichée ne sont pas de nature à construire la confiance indispensable, et souvent manquante, des salarié-e-s dans leurs syndicats.

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