« On ne traite plus les enquêtes préliminaires »

Mme N. a été victime de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles commises par le patron du pressing où elle travaillait. Elle a déposé plainte contre ce dernier le 9 juin 2009 dans un commissariat parisien. Mauvaise pioche ?

Février 2010
Après un très long silence, nous nous enquérons de la plainte. Mme N. n’a pas été entendue. L’enquête n’a pas encore commencé, près de 10 mois après la plainte.
La brigadière chargée de l’enquête nous indique qu’elle est maintenant responsable des « violences au sein du couple » et qu’elle n’est pas en mesure de traiter ses autres dossiers, dont celui de Mme N. La plainte doit être confiée à quelqu’un d’autre.

Mai 2010, puis juin 2010, la brigadière nous confirme que personne n’est saisi du dossier, car le commissariat est dramatiquement en sous-effectif.
Suivant son conseil, l’AVFT écrit au procureur en juillet 2010 pour demander que l’enquête concernant la plainte de Mme N soit traitée dans les plus brefs délais. Le parquet s’engage auprès de nous à demander à ce que la plainte soit traitée dans les trois mois.

Fin septembre 2010
Après avoir communiqué avec différents services au sein du commissariat, nous apprenons que la plainte de Mme N. a été confiée à un nouveau policier.
Confiantes et rassurées, nous l’appelons pour lui demander des nouvelles de l’enquête.

Coup de massue.
Celui-ci nous affirme que les agent-e-s de police sont « court-circuités » depuis trois mois. Il nous explique que les policier-e-s du commissariat dans leur ensemble, lui y compris, ne gèrent plus aucun dossier d’enquête préliminaire(1), qu’ils sont cruellement en manque d’effectif et ne peuvent assurer que les enquêtes de flagrance(2).
Il nous indique avoir lui-même une pile de 300 plaintes qu’il ne peut plus du tout traiter.

Il est « désolé » et nous conseille d’écrire au commissariat central. « Si toutes les victimes le font, on nous donnera peut-être des effectifs ».

Devant la gravité de la situation pour toutes les victimes qui ont déposé plainte, qui sont notamment confrontées au risque de dépérissement de preuves (comme les témoignages de collègues) à mesure que le temps passe, devant l’injustice que constitue la différence de traitement entre les victimes selon qu’elles ont porté plainte dans tel ou tel commissariat, l’AVFT va saisir la ministre de la Justice.

Notes

1. Ce sont les enquêtes qui sont effectuées suite aux plaintes pour permettre au procureur de décider de la suite à donner, si les faits ont eu lieu plus de 48h avant la plainte. C’est le cas pour la plupart des plaintes.

2. Enquêtes suite à des flagrants délits : rapportés à la police très rapidement ou constatés directement par les policier-e-s.

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