Honoraires sexués

Il y a quelques jours, nous avons eu rendez-vous avec une psychologue, qui souhaitait nous rencontrer pour mieux connaître les actions de l’association, afin de créer une logique de réseau autour de ses patientes.

L’AVFT est quant à elle constamment à la recherche de psy-chologues-chiatres spécifiquement formés à la prise en charge de victimes de violences sexuelles et au psychotraumatisme, encore trop peu nombreux, vers qui orienter les personnes qui la saisissent, dans toute la France.

La question du coût de cette prise en charge est cruciale. La consultation psychiatrique est remboursée par la sécurité sociale à 70 % du tarif pratiqué en secteur 1 (et ces psychiatres conventionnés secteur 1 sont quasiment introuvables en région parisienne, par exemple, ou complètement débordés), 12,10 euros restant donc à la charge du-de la patient-e, ou à 100% si les consultations prennent place dans le cadre d’une ALD (Affection Longue Durée), ce qui est possible pour la prise en charge d’une victime de viol mais ce que beaucoup de médecins ignorent.
S’agissant des consultations chez un-e psychologue, la sécurité sociale ne rembourse rien. Certaines mutuelles prennent en charge un forfait généralement inférieur à 10 euros pour des consultations dont le coût est rarement inférieur à 40-50 euros.

Revenons-en donc à ce rendez-vous avec cette psychologue. Après que nous avons exposé les difficultés financières auxquelles les femmes qui nous saisissent, qui ont pratiquement toujours perdu leur travail, sont confrontées, en particulier pour rémunérer un-e psy, celle-ci nous a expliqué qu’en fait, elle faisait beaucoup de bénévolat ou qu’elle modérait ses honoraires, mais qu’enfin, elle essayait de ne pas descendre en dessous d’une certaine somme (dérisoire pour des consultations d’une heure)… et que… c’était quand même insensé d’avoir été victime de violences et de devoir mettre la main à la poche pour aller mieux et que… « après tout », elle « verrait bien » si son cabinet pourrait vivre comme ça.

Pour nous, une telle psy est a priori une « aubaine ». Une autre psychologue parisienne vers qui nous orientons des victimes (elle en « suit » 6-7 en permanence) travaille elle aussi quasiment gratuitement (et ses patientes sont ravies de la qualité de sa prise en charge). Comme sont a priori une aubaine (et un soulagement) ces quelques avocates avec qui nous travaillons, qui ne rechignent jamais à défendre une victime au titre de l’aide juridictionnelle (autrement dit une indemnisation quasiment insultante par l’Etat de leur travail), même quand c’est la dixième ou la quinzième que nous lui adressons en quelques mois, et qui le font avec un grand sens de l’engagement… et qui le font bien.

Sauf que cela nous pose, à nous, au-delà du fait que tout travail mérite salaire, un vrai problème de cohérence. Car ces personnes qui travaillent sans rémunération digne de ce nom sont, à une exception près, des femmes. Il existe sans doute des hommes psy (-chologues/-chiatres) et avocats pratiquant des honoraires militants ou acceptant régulièrement l’aide juridictionnelle (pour des « dossiers » de violences sexuelles, des plaintes avec constitution de partie civile, des procédures prud’homales longues…), mais nous les rencontrons rarement, ou pas, ou ils ne se présentent pas à nous.

Nous sommes donc prises dans cette tension : devoir orienter les femmes qui nous saisissent vers des professionnel-les compétente-s et dont les prestations sont financièrement accessibles et refuser que ce soit toujours les mêmes, des femmes, qui travaillent dans ces conditions.

Sans solution pour l’instant.

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