En ces temps troublés, qu’il est heureux de lire quelque chose d’enfin sensé sous la plume de la chambre de l’instruction de Paris (avril 2012), saisie d’un appel contre une ordonnance de non-lieu suite à une plainte avec constitution de partie civile pour harcèlement sexuel. L’AVFT est partie civile dans cette procédure.
La plaignante et le mis en cause sont fonctionnaires. La première est la subordonnée du second, traversait une période difficile (divorce). Le supérieur hiérarchique s’est dans un premier temps montré d’un important soutien pour sa subordonnée, qui le considérait comme un « ami ». Mais l’ « ami », après avoir gagné sa confiance, s’est ensuite permis d’exiger davantage.
Voici ce qu’en dit la chambre de l’instruction :
« Considérant cependant que ces éléments ainsi rappelés ne sont pas de nature à démontrer que Mme F avait clairement manifesté son accord, son consentement par une attitude active, voire même participative, aux agissements de M. M, qu’ils établissent que cette dernière au contraire avait un comportement de soumission, de nature passive, à ce qui lui arrivait, ce qui était parfaitement compréhensible au regard de la position hiérarchique que M. M avait à son égard et compte tenu du pouvoir administratif qu’il disposait sur elle, qui ne lui permettait pas d’entrer en conflit et de s’opposer fermement à lui, ayant le statut de la noter et ainsi de déterminer l’importance de ses primes et de son avenir professionnel, que même s’il est juste de noter que le pouvoir de décider une promotion pour la plaignante n’appartenait pas à M. M, une telle mesure cependant ne pouvait être prise dans le cadre d’un système administratif, qu’au regard de ses notations ».
En clair : ne pas dire non frontalement, surtout dans le cadre d’une relation hiérarchique, n’est pas équivalent à consentir.
Encore mieux :
« Considérant pour démontrer que Mme F était consentante à ses agissements, que M. M se prévaut principalement de deux emails reçus par lui qui lui ont été adressés par Mme F « ; Le premier : « M., que les paroles et les attentions d’un ami comme toi me font du bien et quel bonheur de pouvoir compter sur toi, ton amie fidèle », que cependant ce message qui contient un rappel de la nature des relations liées entre les parties, soit amicale, exprimé sans aucune connotation sexuelle, ni intime, par une subordonnée qui n’est pas en situation d’entrer en conflit ouvert avec son supérieur, qui se doit, étant sous ses ordres, d’une certaine manière de le ménager, ne saurait caractériser la manifestation même ambiguë à une demande de faveurs de nature sexuelle, qu’il s’agit d’un courriel par lequel Mme F tout en évitant une rupture relationnelle, tentait de situer la relation sur un plan amical ».
Même raisonnement pour le second courrier électronique.
En clair : Dire qu’on est ami, n’est pas dire qu’on peut être amant. Ça paraît évident comme ça, mais apparemment pas pour tout le monde…
Contre l’avis du Parquet général, M. M est donc renvoyé devant le Tribunal correctionnel.