Monsieur Tahsin Burcuo?lu
Ambassadeur
Ambassade de Turquie
16, avenue de Lamballe
75016 PARIS
Paris, le 10 septembre 2013
Monsieur l’Ambassadeur,
L’AVFT, association féministe fondée il y a 28 ans, a pour missions statutaires « d’agi pour faire disparaître les violences patriarcales de toute nature, notamment sexuelles, dont les femmes sont les principales victimes » et de « milite pour garantir la liberté, l’intégrité, l’inaliénabilité, notamment physiques et sexuelles, des individu-es ». L’utilisation et la critique du droit et de la justice sont les outils privilégiés de l’association pour atteindre ces objectifs.
C’est probablement pour ces raisons que par courriels et appels téléphoniques du 6 septembre dernier, votre ambassade a contacté l’AVFT dans le but d’organiser, le 11 septembre, des « échanges et des entretiens » entre Mme Fatma ?ahin, Ministre de la Famille et des Politiques Sociales de la République de Turquie et les « responsables de l’AVFT », dans les locaux de l’association, « en marge de la réunion ministérielle de l’Union pour la Méditerranée».
Nous avons, comme de très nombreuses personnes, associations, collectifs, en France et dans le monde, suivi avec la plus grande attention la procédure judiciaire qui frappe Pinar Selek en Turquie.
Pinar Selek, sociologue, écrivaine et militante féministe et antimilitariste turque en exil en France fait l’objet depuis quinze ans d’un acharnement politique et judiciaire ininterrompu et sans précédent de l’Etat turc : Emprisonnée, torturée, trois fois acquittée, acquittements trois fois contestés par le procureur de la République – donc par l’Etat – puis condamnée à perpétuité le 24 janvier 2013, au mépris de la vérité et en violation des règles de droit les plus fondamentales, Pinar Selek est désormais sous le coup d’une demande d’extradition de la Turquie à la France et d’une demande d’un mandat d’arrêt international à Interpol.
Si l’Etat français faisait droit à la demande de l’Etat turc, elle pourrait être extradée de France, à qui elle a demandé l’asile politique, et être emprisonnée à vie dans les prisons turques.
Une procédure est pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui attend l’épuisement des recours en Turquie (un quatrième examen par la Cour de cassation) pour statuer.
Nous savons toutes et tous que Pinar Selek est innocente du crime pour lequel elle a été condamnée et que la procédure qui a fini par aboutir à sa condamnation est un simulacre de justice.
Pour ces raisons et par solidarité avec Pinar Selek, nous ne pouvons accepter une rencontre avec la représentante d’un gouvernement qui, piétinant toute justice en dépit de l’évidence de son innocence, continue de sacrifier Pinar Selek à la raison d’Etat.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur l’ambassadeur, l’expression de nos plus inquiètes salutations,
Marilyn Baldeck
Déléguée générale
Version anglaise
Mister Tahsin Burcuoglu
Ambassador
Turkish Consulate
16 avenue de Lamballe
75016 Paris
Paris, September 10, 2013
Dear Ambassador,
AVFT is a feminist organisation that was founded 28 years ago, and which statuatory missions are to act for the disapearance of patriarcal violence of any nature, in particular sexual violence, of which women are the primary victims, and campaign to guarantee individuals both physical and sexual freedom, integrity and inalienabiilty. Our organisation favors the critic and the use of law and justice as a means to reach those objectives.
These are probably the reasons why, through email and phone calls, on September 6th, your ambassy contacted AVFT in order to organize on September 11th meetings and interviews between Ms Fatma Sahin, Secretary of Family and Social Policies for the Republic of Turkey and officials of AVFT in our offices, on the sidelines of the ministerial meeting for the Mediterranean Union.
We, as many other people, associations and groups in France as well as in the rest of the world, have followed with great attention the judicial proceedings against Pinar Selek in Turkey.
Pinar Selek, a Turkish sociologist, writer and feminist activist as well as antimilitarist exiled in France has been the object of relentless political and judicial harassment from the Turkish state. Imprisonned, tortured, acquitted three times, all acquittals contested by the state prosecutor- thus by the state- then sentenced to life in prison on January 24th 2013 in utter disregard of the truth and of the most fundamental rules of law. A request for extradition from Turkey to France as well as an international arrest warrant from Interpol now hang over Pinar Selek’s head.
If the French state gave right to the Turkey’s state demand, she could be extradited from France, country to which she demanded political asilum, and could be imprisonned for life in Turkish prisons.
A procedure was engaged before the European Court of Human Rights, which is now waiting for all Turkish appeals to be exhausted (a fourth examination by the supreme court) before giving its ruling.
We all know that Pinar Selek is innocent of the crime for which she has been sentenced and that the procedure which resulted in her sentencing is a mockery of justice.
For these reasons, and out of solidarity with Pinar Selek, we cannot accept a meeting with a representative of a government that, stepping on justice despite the evidence of her innocence, and that keeps sacrificing Pinar Selek to the reason of state.
Please accept, Mister Ambassador, our most worried salutations.
Marilyn Baldeck,
General representative
Traduction anglaise : Clémentine Pirlot
Original de la lettre envoyée à l’ambassade de Turquie