L’AVFT, association féministe pionnière en France, qui lutte depuis 40 ans contre les violences masculines au travail, souffre depuis plusieurs années des logiques de plus en plus libérales d’accès aux subventions publiques.
Tout a commencé par un refus d’augmentation de notre subvention. En effet, malgré la déflagration du mouvement Me Too en 2017, et alors que la majeure partie des témoignages concerne des violences sexuelles spécifiquement dans le cadre du travail (#metoohopital, #metooarmée, #metoospectacle, #metoocuisine…) – ce qui a engendré une explosion des demandes faites à l’AVFT – le Service des Droits des Femmes et de l’Egalité entre les hommes et les femmes (SDFE) n’a jamais jugé utile d’augmenter significativement notre subvention. Conjugué à l’inflation, nos moyens d’intervention ont donc baissé.
L’AVFT a néanmoins tenu bon, à bout de bras, faisant front chaque jour pour continuer son activité, malgré des moyens humains et matériels totalement insuffisants.
Cela se poursuit par le refus réitéré du SDFE de signer une convention pluriannuelle d’objectifs (CPO), c’est-à-dire, une convention de financement pensée sur trois ans permettant un subventionnement stable de l’association, indispensable à la pérennité de l’AVFT et cohérente avec la durée de notre accompagnement des victimes (notamment en raison de la durée des procédures judiciaires). En clair, une CPO permet de se concentrer sur le cœur de métier et de ne pas perdre chaque année un temps précieux dans des démarches administratives chronophages.
Nous avions obtenu une CPO en 1997, après deux années de lutte, et n’avions cessé d’en bénéficier depuis lors, nos rapports d’activités justifiant amplement la pertinence de ce mode de financement.
Pourtant, en 2023, le SDFE transforme cette CPO en convention annuelle, invoquant des raisons conjoncturelles et internes à l’association.
En 2024, le SDFE persiste. Plus question cette fois de nous reprocher notre stabilité vu tous les projets menés sur l’année.
Le SDFE invoque alors un « problème de calendrier » pour justifier un nouveau refus de renouvèlement de la CPO, et nous imposer, encore, une convention annuelle. Soit. Nous ne baissons pas les bras, et le SDFE évoque rapidement la possibilité de revenir à une CPO dès l’année suivante.
Pour anticiper un nouveau « problème de calendrier », nous entamons les négociations en vue de la signature d’une CPO pour les années suivantes dès mars 2025. Les entretiens avec les responsables du SDFE laissent présager le retour d’une CPO, certes sans augmentation mais nous garantissant trois années de ressources.
Stupeur donc lorsque, ce vendredi 5 septembre, un mail de quelques lignes du SDFE nous informe d’un nouveau refus, dont extrait :
« Après discussion avec le service financier, il apparaît que le calendrier ne permet pas d’engager une CPO dès cette année. En revanche, nous souhaitons vous assurer de notre volonté de soutenir durablement l’AVFT et d’avancer, à horizon 2026, vers une convention pluriannuelle d’objectifs. Nous prendrons donc contact avec vous début 2026 dans cette perspective. »
On a comme une impression de déjà-vu.
La situation est grave. Une convention annuelle précarise l’association. En l’absence de visibilité, l’AVFT ne peut se développer, recruter, s’engager sur des actions à moyens/longs termes. Cette incertitude quant au futur met en danger la vie de l’association, les démarches juridiques et judiciaires des victimes accompagnées, ainsi que nos emplois.
Cette situation est injuste. Aucune raison objective ne saurait justifier ce refus.
L’AVFT reste pleinement engagée malgré cette précarisation : elle accompagne les victimes de violences sexuelles au travail, développe des outils juridiques accessibles (fiches, podcast), organise des ateliers, et intervient dans des procédures judiciaires qui ont eu un large écho y compris à l’international, comme celle de Gérard Depardieu ou celle par laquelle la CEDH a rendu un arrêt historique le 4 septembre 2025.
Mais visiblement, rien de tout cela ne suffit à convaincre le SDFE qu’une association qui soutient les victimes, change la loi et fait avancer la société mérite un financement stable.
L’AVFT a immédiatement répondu au courriel du SDFE du 5 septembre, en rappelant la nécessité d’une CPO, en particulier dans le contexte d’instabilité gouvernementale actuelle. Nous les avons alertés de l’urgence face au risque de basculement politique qui promet de mettre à mal le peu de nos acquis.
Le SDFE n’a pas pris la peine de nous répondre.
Nous avons alors alerté la ministre chargée de l’égalité en poste, Aurore Bergé, et sommes dans l’attente de sa réponse, puis avons informé le SDFE de cette prise de contact.
Le SDFE nous a enfin répondu ce vendredi 13, nous proposant un rendez-vous bien lointain (jeudi 26 septembre), en visio, et sans aucun engagement de revenir sur leur décision.
Nous vous tiendrons donc informé.es des suites de ce rendez-vous que nous voudrions décisif.
L’AVFT n’en restera pas là. Et s’il faut, comme en 1997, mener une lutte, nous la mènerons pour et avec les femmes que nous accompagnons, et avec toutes les personnes qui reconnaissent la valeur de notre travail.
L’équipe de l’AVFT et son CA