Harcèlement et agressions sexuels : La Cour d’appel relaxe, le Défenseur Des Droits décide que la discrimination est caractérisée

Le 16 avril 2013, le Tribunal correctionnel de Montpellier avait, à l’encontre des réquisitions du parquet, condamné DB pour agressions sexuelles et appels téléphoniques malveillants et à indemniser Mme SB à hauteur de 6000 euros. Il l’avait relaxé du chef de harcèlement sexuel, prenant acte de l’abrogation du délit par le Conseil constitutionnel.

Le 15 septembre 2014, alors que le parquet avait cette fois requis la condamnation de DB, la Cour d’appel a intégralement réformé ce jugement, sauf, bien sûr, pour ce qui concerne le harcèlement sexuel : « (…) par décision du 5 mai 2012 l’article 222-33 du Code pénal a été abrogé ; qu’ainsi, les poursuites ne pouvaient être engagées et il convient, en conséquence, de renvoyer DB des fins de la poursuite ».

Dans son arrêt, la Cour relève les éléments de preuve dont dispose Mme SB : le témoignage d’une collègue auprès de laquelle elle s’est confiée immédiatement après l’agression, la dénonciation faite auprès de la hiérarchie, un certificat médical circonstancié, mais aussi l’existence de témoins directs de certains faits : « Divers témoins relateront que DB tenait des propos déplacés à connotation sexuelle et avait des attitudes ambiguës tant à l’égard du personnel que des usagers de la piscine ».

Mais conclut : « Toutefois, si l’ensemble des éléments de la procédure peut interroger, les seuls éléments relatifs aux faits du 6 juillet 2007 ne peuvent permettre à eux seuls d’entrer en voie de condamnation (…) ».

Si la Cour considère que Mme SB manque de preuves de l’agression sexuelle qu’elle dénonce, elle liste des éléments, particulièrement des témoignages directs de propos et attitudes déplacés à connotation sexuelle, sans remettre en cause leur validité. Et estime qu’il y a matière à « s’interroger ».

Cette relaxe n’exclut donc pas l’existence d’un harcèlement sexuel, délit pour lequel DB n’a pu être jugé en raison de son abrogation.

Dans une décision du 7 janvier 2015, le Défenseur Des Droits, saisi par l’AVFT, conclut quant à lui à l’existence d’une discrimination liée au fait, pour Mme SB, d’avoir dénoncé le harcèlement sexuel.

Il « recommande » à l’administration notamment de « se rapprocher de Mme SB afin d’examiner avec elle les voies et moyens permettant de l’indemniser des préjudices moraux qu’elle a subis » et de « diligenter une enquête interne afin de déterminer s’il y a lieu d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de DB, en raison de son comportement à l’encontre de Mme SB« .

Sur le plan disciplinaire, DB n’a en effet jamais été sanctionné, alors même qu’il avait déjà été accusé de harcèlement sexuel par une autre femme, Mme E., déjà dans le cadre des piscines de l’agglomération de Montpellier, sept ans avant la plainte de Mme SB.

En 2000, Mme E nous écrivait :

« (…) J’ai l’honneur de vous adresser le récit succinct de mon parcours professionnel qui s’est soldé le 29 mars 2000 par mon hospitalisation aux urgences de Montpellier, consécutivement à une dépression, directement liée à des problèmes professionnels. (…) Cette pression psychologique s’est banalisée, le mépris s’est installé jusqu’à devenir injurieux : fort de son soutien hiérarchique, DB se livrait désormais à des humiliations publiques à mon égard. Je pris soin d’en noter quelques-unes, espérant ne jamais avoir à m’en servir. Le 6 septembre 1999, DB me fit visiter les différentes installations sportives du secteur, me conduisant dans sa voiture. Cette visite fut suivie à 11h d’une réunion de secteur dans le bureau de M. O, devant messieurs : S, G, B. Au moment où je pénétrais dans la salle de réunion avec DB, un des éducateurs a dit : « Tu es resté longtemps avec  ? C’était bon ? » DB a rétorqué  : « Tu aurais pu t’essuyer la bouche après », m’essuyant avec un doigt le coin de ma bouche, ce qui fit rire l’assemblée.
Le 8 septembre 1999, à 11h30, à l’issue de la réunion plénière annuelle à la mairie de Montpellier (…) réunissant l’ensemble des éducateurs de la ville (…), lorsque je demandai à DB s’il avait l’amabilité de me raccompagner sur le lieu de travail, il me répondit à haute voix :
« Si je te ramène, je te baise, de toute façon, je te ramène et je te baise ». (…) Quelques temps après, pendant une pause à la piscine sur le bord du bassin en présence de M.D , DB me demanda : « Est-ce que tu suces à 2 mains ? ». (…) Une autre fois, il me lança : « Tu devais être bonne à 20 ans, tu devais bien sucer », joignant le geste à la parole. Aussi ma hiérarchie la plus directe me tourna le dos et pire, abonda dans le sens de ces injustices, qu’elle ne pouvait désormais plus ignorer ».

Quatorze plus tard, l’agglomération accorde toujours la même immunité à DB, sans que la relaxe dont il a bénéficié puisse le justifier : les poursuites pénales et administratives sont par principe indépendantes, et l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier ne se prononce pas sur le harcèlement sexuel.

Mme SB, elle, est toujours en poste. Son évolution de carrière a été considérablement entravée par les démarches judiciaires qu’elle a entreprises.

Mme E. sera à la retraite dans quelques mois après 33 années passées au service d’un employeur qui a bafoué ses droits et sans qu’elle n’ait connu la moindre politique de prévention du harcèlement sexuel mise en ?uvre par l’agglomération de Montpellier.

Qu’est-ce qui pourrait donc empêcher que cela recommence ?

Marilyn Baldeck
Déléguée générale

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