Inclinaison sincère…

Nous venons de recevoir un « réquisitoire définitif de non-lieu » du parquet de Paris, dans une instruction pour harcèlement sexuel, procédure dans laquelle l’AVFT s’est constituée partie civile.

Voici ce qu’on peut y lire. Nos commentaires sont en gras :

« L’article 222-33 du Code pénal définit le harcèlement sexuel comme « étant le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles ».

L’article 222-33 du Code pénal ne propose aucune définition du harcèlement sexuel, du moins dans ses éléments matériels : est-ce une ou des paroles ? Un ou des gestes ? Un « comportement » global ?

Par cet article, dont la nature pénale commande une interprétation stricte, la preuve de « l’acte de harcèlement » et de « l’intention de l’auteur d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » devra, nécessairement, être rapportée pour caractériser le délit de harcèlement sexuel.

Certes. Mais il n’est logiquement pas possible d’interpréter strictement un article de loi qui ne définit pas précisément son objet.

Ainsi, l’acte de harcèlement sexuel implique une attitude agressive, se manifestant par des attaques réitérées et incessantes, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim, 10/11/04).

Et pourtant, même si le terme de « harcèlement » porte à confusion, la répétition n’est pas un élément constitutif de l’infraction de harcèlement sexuel, comme elle l’est explicitement pour le délit de harcèlement moral. L’exposé des motifs de la loi créant le délit de harcèlement sexuel l’avait d’ailleurs explicitement souligné.

Par conséquent, les juges considèrent que la séduction est autorisée, et qu’elle se transforme en harcèlement, en cas de contrainte (Cour d’appel de Versailles, 8ème ch. correc. 29/11/96(1)), Cour d’appel de Toulouse, 3ème chambre correc., 07/11/02).

Le fait que la victime dépendait économiquement de son emploi et que cette dépendance constituait à elle seule une contrainte échappe totalement au parquet.

Or en l’espèce, la partie civile ne démontre pas en quoi l’attitude de Monsieur Y aurait été agressive, ni en quoi il l’aurait soumise à des attaques réitérées et incessantes.

En effet, il ressort de la plainte que M. Y aurait adopté, à l’égard de Mme X, une attitude de séduction maladroite et insistante, qui aurait évolué vers une hostilité professionnelle.

Vous avez bien lu :

M. Y n’était pas agressif mais simplement « hostile professionnellement ».

M. Y n' »attaquait » pas Mme X de manière « réitérée et incessante » mais était simplement « insistant ». Etre insistant, c’est pourtant bien s’y reprendre à plusieurs fois malgré des refus, donc « répéter » un « agissement.

Les agissements consistant à lui poser des questions sur sa vie privée et intime, à multiplier (à multiplier ? C’est donc bien plus que de « l’insistance », mais bien des « agissements » « incessants »), les compliments sur ses tenues vestimentaires et les avances sont, certes, équivoques voire déplacés (Si les propos sont « déplacés », ils ne peuvent donc pas être des « compliments »), mais peuvent exprimer la manifestation non fautive, au plan pénal, d’une inclinaison pouvant être sincère ».

Le parquet de Paris n’est pas l’auteur de cette dernière phrase, il se contente d’un copier/coller d’un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 10 septembre 1997 -les stéréotypes dont la justice est porteuse n’auraient-ils donc pas évolué en 13 ans ?- qui a fait florès.

Notes

1. « Dès lors qu’un employeur a adopté, à l’égard de sa secrétaire, une attitude générale de séduction exempte de délicatesse et de tact et non dénuée d’arrières-pensées, assortie de manières et de propos douteux suggestifs, grivois ou grossiers, mais qu’aucun élément objectif ne vient cependant caractériser les contraintes résultant d’un abus d’autorité, en vue de faveurs de nature sexuelle, il s’ensuit que ce comportement, qui a pu apparaître insupportable à la partie civile et faire naître, en elle, un sentiment de contrainte, mais dont il n’est pas prouvé qu’il ait mis en oeuvre objectivement le rapport d’autorité existant entre l’un et l’autre, n’entre pas dans les prévisions de l’article 222- 33 du Code pénal réprimant le harcèlement sexuel ».

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