L’AVFT doit payer 4590,08 € d’amende et de frais de publication judiciaire. Ceci n’est pas un appel à soutien financier.

Aujourd’hui, 3 octobre 2011, la direction générale des finances publiques réclame « immédiatement » 4590,08 € à l’AVFT. Pourquoi ?

L’AVFT poursuivie par un homme condamné pour agression sexuelle

Par jugement du 13 novembre 2002, le Tribunal correctionnel de Paris condamnait M. Y, délégué syndical, pour agression sexuelle commise à l’encontre de Mme X, approvisionneuse dans un magasin de moyenne distribution, aux côtés de qui l’AVFT s’était constituée partie civile. M. Y n’avait pas relevé appel de sa condamnation.

A cette époque, l’AVFT publiait sur son site Internet une page de comptes-rendus de procès dans lesquels elle s’était constituée partie civile, reprenant succinctement les violences poursuivies et le délibéré. Le nom de la personne condamnée, à condition que cette condamnation fût définitive, n’était pas anonymisée, ce qui nous apparaissait conforme au principe de publicité des décisions de justice. Il n’y avait là aucune volonté de la part de l’AVFT de « livrer en pâture » un homme condamné pour agression sexuelle. En l’espèce, nous avions fait état du fait que M. Y était délégué syndical, sans mentionner de quel syndicat il s’agissait.

En avril 2005, la compagne de ce dernier nous demandait de rendre ce compte-rendu anonyme. Après examen des dispositions pénales applicables et consultation de la CNIL – qui confirmait que nous n’étions pas dans notre bon droit – nous avions fait droit à sa demande.

Toutefois, le 5 décembre 2006, M. Y faisait citer l’AVFT à comparaître devant le Tribunal correctionnel d’Evry.

Par jugement du 16 janvier 2007, l’AVFT était condamnée sur les fondements des articles 226-16, 226-18, 226-19 et 226-22 du Code pénal, qui prohibent :

  • Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite
  • Le traitement de données à caractère personnel relative aux infractions, condamnations et mesures de sûreté s’il n’est pas mis en oeuvre par les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public
  • La conservation en mémoire informatique, sans le consentement exprès de l’intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître notamment les appartenances syndicales des personnes
  • La divulgation à des tiers des données personnelles à travers les réseaux informatiques et quand elles concernent les droits de la personnalité et plus spécialement la vie privée

Le 2 avril 2008, la Cour d’appel de Paris, sur appel interjeté par l’AVFT, avait infirmé la condamnation sur deux chefs (« Collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite », puisqu’étant partie civile dans la procédure, l’AVFT avait légalement été destinataire du jugement et « Conservation en mémoire informatique des données à caractère personnel qui font apparaître notamment les appartenances syndicales des personnes », l’AVFT ayant eu la courtoisie de ne pas mentionner le nom du syndicat d’appartenance de M. Y dans son compte-rendu) et l’avait confirmé sur les deux autres chefs, sur le fondement desquels nous ne contestions au demeurant pas la condamnation. Ces infractions sont en effet des infractions dites « formelles », c’est-à-dire qu’elles sont constituées même en l’absence d’intention délictuelle (i.e de conscience d’enfreindre la loi) de leur auteur-e.

Sur les condamnations : deux poids deux mesures

Du point de vue de la sanction pécuniaire, il est moins risqué pour un homme de commettre une agression sexuelle que pour une association luttant depuis 26 ans contre les violences sexuelles au travail de commettre une infraction apparentée à un délit « de presse ».

En effet, tandis que M. Y avait été condamné pour agression sexuelle à trois mois d’emprisonnement assortis du sursis et à indemniser les parties civiles à hauteur de 700 € pour Mme X et 300 € pour l’AVFT, la Cour d’appel de Paris a condamné l’AVFT à 1500 € d’amende, deux mois de publication judiciaire dans Le Parisien dont le montant s’élève à 2970,08 € euros et à indemniser M. Y à hauteur de 3500 €.

L’AVFT s’était déjà acquittée des 3500 € de dommages et intérêts auprès de M. Y. La mise en recouvrement de l’amende et des frais de publication judiciaire d’un total de 4590,08 €, précédemment envoyée à une mauvaise adresse, ne nous est parvenue qu’aujourd’hui.

Les calculs sont vite faits : La condamnation pour agression sexuelle aura coûté 1000 € à M. Y ; La condamnation de l’AVFT pour avoir publié ce compte-rendu lui aura coûté 7970,08 €.

7970 €, c’est environ deux mois et demi de salaire charges comprises d’une juriste-chargée de mission à l’AVFT et donc près de deux mois et demi d’intervention aux côtés des victimes.

7970 €, c’est la possibilité pour plusieurs victimes de diligenter des procédures judiciaires visant à faire valoir leurs droits.

C’est donc à cela que cette somme, très importante pour une structure dont les comptes annuels sont juste équilibrés, ne servira pas.

7970 €, c’est aussi environ le coût de 8 jours de formation de l’AVFT pour des syndicats souhaitant mettre en place des politiques de prévention et de traitement des plaintes des victimes dans les entreprises où ils sont présents, ainsi qu’en leur sein.

Ceci n’est pas un appel à soutien financier…

… parce que l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dispose qu’il est « interdit d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende, ou de l’une de ces deux peines seulement ».

Contact : Marilyn Baldeck, déléguée générale

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