Mme D., harcelée, agressée, violée et condamnée

COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Envoyé à l’AFP – Jeudi 04 juillet 2002 à 9h

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Les agressions

De juin 1996 à octobre 1997, Mme D. conseillère municipale de la commune de M. (Hérault) a été harcelée et agressée sexuellement par l’adjoint au maire, M. C. Informé, le maire, M. L.lui conseille de ne rien dire et d’attendre « qu’il se calme ». Les violences se poursuivant, Mme et M. D. demandent à être reçu par le maire. Le 10 février 1997, au cours de ce rendez-vous qui a lieu dans le bureau du maire, le fils de M. C., F.C. fait irruption, agresse M. D. et lui fracture le nez. Il tente d’extorquer sa démission de conseillère municipale à Mme D. en lui demandant de rédiger une lettre de démission, ce qu’elle refuse de faire en dépit de la violence exercée. Entendu en enquête préliminaire le 14 février 1997, il dira : « il est exact que j’ai demandé à Mme D. de démissionner ».

La nuit du 22 avril 1997, alors que son époux est hospitalisé suite à cette agression, Mme D., est attaquée chez elle ; elle sera retrouvée inanimée, violée. Les murs, ses vêtements sont tachés de sang.
De février 1997 à décembre 1998, Mme et M. D. ainsi que leur fille subissent quotidiennement les insultes et les menaces de mort de Mme C., de M. C. et de leur fils : (« tu vas crever putain, on va crever ton mari, tu as intérêt à enlever ta fille de l’école, elle va crever aussi »).

M. Deron porte plainte contre F. C. pour coups et blessures volontaires, et contre le maire (M. L.) pour non-assistance à personne en danger. Mme D. porte plainte contre C.C. pour harcèlement sexuel et agression sexuelle, plainte contre X pour viol, plainte contre M. L. pour complicité d’agressions et de harcèlement sexuels et plainte contre Mme C. pour injures et menaces de mort.

Le scandale de « l'(in)justice »

Refusant le risque de classement sans suite de ses plaintes par le parquet, Mme D. se constitue partie civile ; elle devra payer 30 000 francs de consignation pour que ses plaintes soient instruites.
L’enquête se fait à charge contre Mme D. La juge d’instruction fait sienne la thèse des gendarmes selon laquelle « Mme D. et M.C. avaient entretenu une liaison sentimentale à l’origine d’un vaste contentieux entre les familles D. et C. ayant entraîné une dégradation importante du climat relationnel au sein du village de M. ». (Ordonnance de non-lieu du 22 novembre 2001, p. 3) Tous les éléments qui démentent cette thèse sont écartés. Une femme entendue dans le cadre de l’enquête, a dénoncé ce parti pris dans une lettre adressée à l’AVFT en décembre1999. Elle écrit : « Je viens de prendre connaissance de la synthèse de la commission rogatoire établie par la gendarmerie pour l’affaire de Mme D. (…). Je suis stupéfaite et outrée dans l’interprétation que fait la gendarmerie sur l’un de mes témoignages ce qui ne reflète pas ce que j’ai vu et ce que j’ai dit lors de l’audition ; ils n’ont ressorti que des points insignifiants de ma déclaration« .

Mme D. ne sera jamais entendue par un juge d’instruction pour le crime de viol. Aucune analyse du sang retrouvé, aucune recherche de trace ADN ne seront effectuées. Les gendarmes ne jugeront pas utile de procéder à une reconstitution.
Le 22 novembre 2001, la juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu déboutant Mme D. de l’ensemble de ses plaintes et la condamnant à 4 573 euros (soit 30 000 francs) d’amende pour procédure abusive estimant qu’elle « a entendu poursuivre un but inspiré (…) par le souci de nuire gratuitement à J. L. » (ordonnance de non-lieu p. 8).

Mme D. et l’AVFT ont interjeté appel.
Cet appel a été examiné par la Chambre d’instruction de la Cour d’appel de Montpellier le 16 mai 2002. Au cours de l’audience, l’avocat de Mme D., Me Simon et la représentante de l’AVFT, C. Le Magueresse ont dénoncé le parti pris de l’enquête et de l’instruction. Les contre-vérités, les erreurs contenues dans l’ordonnance de non-lieu ont été prouvées.
L’Avocat général a néanmoins considéré que le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles n’étaient pas établis aux motifs qu' »il n’y a pas de témoins », que l' »on reste dans l’état d’une opposition entre deux personnes », « que la preuve n’est pas rapportée ».
Quant à la plainte contre X pour viol, M. l’Avocat général a déclaré : » ce n’est pas sérieux »… Après avoir nié l’éventualité du viol, il a poursuivi en disant : « Et même s’il y avait viol, des victimes qui ne sont pas capables de donner un signalement, en vingt ans, je n’ai jamais vu ça; une femme sodomisée qui ne voit rien… » Il a conclu par « il y a des moments où il faut faire du droit et ne pas chercher à prolonger cette affaire ».

Que Mme D. ait été retrouvée inanimée au milieu de traces de sang, les dents cassées, les cervicales déplacées et blessée par le viol, est pour l’Avocat Général sans valeur probante quant à la réalité de ce crime…

Dans son arrêt rendu le 2 juillet 2002 et confirmant l’ordonnance de non-lieu, la Chambre de l’instruction a motivé sa décision en considérant que cette ordonnance était « complète et bien motivée ». Elle a jugé que « le comportement déraisonnable et abusif de Mme D. réglant des comptes personnels par une cascade de plaintes » justifiait sa condamnation à une amende qu’elle a toutefois diminuée à 2 500 euros.

Du danger pour les femmes victimes de violences sexuelles de déposer une plainte

Mme D. témoignera de son expérience judiciaire en ces termes : « on dit aux femmes de parler, de ne pas se taire. C’est ce que j’ai fait et je trouve que je le paie très cher, très, très cher« .

Nous sommes profondément révoltées de constater que les magistrats ont choisi de soutenir l’institution judiciaire et non de mettre en cause l’enquête de la gendarmerie et de l’instruction.

Ce résultat est un déni de justice et un recul pour les droits des femmes. Il vide les lois réprimant les violences sexuelles de toute portée. De tels jugements ont aussi pour fonction de contraindre les femmes au silence.

Nous n’acceptons pas cette injustice, nous n’acceptons pas que les victimes qui dénoncent les violences qu’elles ont subies puissent être condamnées pour les avoir dévoilées, nous n’acceptons pas que les femmes soient exclues du droit

L’AVFT soutiendra Mme D. jusqu’à ce scandale cesse et que Justice lui soit rendue. Nous saisissons ce jour la Cour de Cassation.

Contacts : Catherine Le Magueresse, AVFT, BP 60108 75 561, Paris cedex 12. France
Tel : 01 45 84 24 24 – Fax : 01 45 83 43 93 – www.avft.org

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